Vannes, cour criminelle du Morbihan
Comment un homme condamné pour détention d’images pédopornographiques a-t-il pu continuer à opérer des enfants pendant plus de trente ans ? Comment le silence des institutions a-t-il permis à Joël Le Scouarnec d’agresser au moins 299 victimes, dans l’impunité la plus totale ? Depuis près de deux mois, la cour criminelle du Morbihan tente de répondre à ces questions glaçantes, alors que se déroule le procès de l’un des pires prédateurs sexuels de l’histoire médicale française.
Un monstre caché en blouse blanche
Entre 1986 et 2017, dans plusieurs hôpitaux et cliniques de l’ouest de la France, Joël Le Scouarnec a violé, agressé, détruit des vies. Et pourtant, malgré une condamnation en 2005 pour consultation de contenus pédopornographiques, le chirurgien a continué à exercer, sans la moindre interdiction, sans la moindre surveillance, et surtout sans que les institutions ne réagissent efficacement.
Les alertes ignorées
En 2006, deux médecins de l’hôpital de Quimperlé, le psychiatre Thierry Bonvalot et l’urgentiste Jean-Marc Le Gac, s’inquiètent. Le premier découvre dans la presse la condamnation de Le Scouarnec. Il rédige un courrier à la direction de l’hôpital, dénonçant son comportement inquiétant avec les enfants. Le second contacte le conseil de l’ordre des médecins. Aucune suite. Pas de retour. Pas de mesures. Rien.
« Il ne fallait plus qu’il opère des enfants », dira Le Gac à la barre. Mais les hiérarchies se renvoient la balle. Le Scouarnec, lui, continue à opérer… et à abuser.
Une impunité organisée ?
Même convoqué par le conseil de l’ordre, même signalé à la Direction des affaires sanitaires, Le Scouarnec est confirmé dans ses fonctions, titularisé à l’hôpital. L’idée d’une supervision lors des consultations avec des mineurs est évoquée, mais jamais appliquée. « Il n’y a jamais eu de communication officielle », affirme Jean-Marc Le Gac.
« Cela a renforcé mon sentiment d’impunité »
À la barre, Joël Le Scouarnec lui-même l’avoue froidement : ces alertes avortées, cette inaction, ont nourri sa confiance. « Je pensais être radié. Mais rien ne s’est passé. Cela a conforté mon sentiment d’impunité. J’ai repris confiance en moi et repris mes actes. »
Un aveu glaçant. Un constat accablant pour l’ensemble du système. Et une douleur renouvelée pour les centaines de victimes, qui se battent aujourd’hui pour obtenir justice.
Le verdict est attendu fin mai. Joël Le Scouarnec encourt vingt ans de réclusion criminelle. Un procès pour l’Histoire, mais surtout pour que plus jamais l’impunité ne protège les monstres.