
La lecture de l’ordonnance de mise en accusation d’Aurélie Censier a duré une heure. Il est 10 h 55, ce mardi. Karine Laborde, présidente de la cour d’assises, prévient l’accusée : « Votre interrogatoire de personnalité va maintenant être essentiel. J’ai beaucoup, beaucoup d’éléments à évoquer et ça prendra le temps qu’il faudra ». Aurélie Censier acquiesce. Vêtue d’un chandail vert pâle, visage rond, impavide, entouré par des cheveux bruns coupés au carré, elle précise qu’elle ne souhaite pas exercer son droit au silence. La présidente lui demande : « Quelle est votre position ? ». Elle répond : « Je reconnais les faits ». Elle dit aussi savoir qu’elle encourt la perpétuité.
« Pour qu’il cesse de souffrir »
Le 1er avril 2022, Aurélie Censier a tué son compagnon de deux cartouches de fusil qui l’ont atteint à la tête. Ce soir-là, le couple, qui résidait dans le quartier de Recouvrance, à Brest, s’était disputé. Au milieu de la nuit, Adrien S. aurait demandé à sa compagne de quitter le domicile, lui reprochant des échanges avec un homme sur les réseaux. Elle serait allée dans le salon, chercher le fusil que lui réclamait Adrien S. Elle aurait fait feu au moment où il tendait le bras pour se saisir de l’arme. La première cartouche l’atteint en pleine tête. Aurélie Censier appelle son père, lui annonce que son compagnon s’est suicidé, puis recharge et refait feu « pour qu’il cesse de souffrir ». Adrien S. succombera à l’hôpital.
Installation dans le Finistère en 2013
Une psychologue, entendue par visioconférence, s’est chargée de l’enquête de personnalité d’Aurélie Censier. La jeune femme, aujourd’hui âgée de 37 ans, a grandi dans le Val-de-Marne. Le cadre éducatif est « plutôt rigide », entre un père plombier et une mère comptable. En 2011, elle se rebelle contre ses parents qui ne veulent pas qu’elle poursuive une relation sentimentale. Elle a 25 ans et, depuis trois ans, elle a rencontré un homme de six ans son aîné. Elle quitte le foyer parental, décroche son diplôme d’infirmière l’année suivante. Elle s’installe dans le Finistère en 2013, devient mère d’une fille en 2014. La même année, elle se sépare de son conjoint. Elle enchaîne les contrats au sein de plusieurs centres hospitaliers jusqu’à se stabiliser, en juin 2021, au sein de la clinique Kerfriden, à Châteaulin (29).
Centre d’intérêt commun : les armes
Entretemps, en 2016, elle a rencontré un jeune homme de 24 ans. Adrien S. est plus jeune qu’elle et « libre, doté de charisme ». Libre, mais aussi accro aux drogues dures. Elle se serait dit qu’elle pouvait l’aider ? La violence se serait installée au sein du couple, adepte de relations sadomasochistes. Tous deux ont un autre centre d’intérêt : les armes. Quinze fusils, carabines, armes de poing, certaines non déclarées, seront retrouvés dans le salon de leur appartement, le soir du meurtre. Elle met au monde deux filles, dit qu’elle endure la violence, « dans l’espoir de retrouver les débuts tendres de leur couple ». En 2021, elle fait un burn-out.
« Pas compatible avec des éléments du dossier… »
Mais, certains de ces jalons, exposés par la psychologue, laissent la présidente un brin circonspecte : « Ce n’est pas compatible avec des éléments du dossier… ». Karine Laborde, réputée pour sa méticulosité, s’apprête, ce mardi après-midi, à reprendre l’enquête de personnalité par le menu. Les débats reprennent à 14 h.