Comment une journée historique pourrait coûter à la France jusqu’à 130 milliards d’euros
En pleine commémoration du bicentenaire d’un accord aussi obscur que lourd de sens, Emmanuel Macron a annoncé la création d’une commission conjointe avec Haïti pour revisiter leur passé commun. Une initiative symbolique, alors que la pression des militants haïtiens s’intensifie pour obtenir justice : ils réclament le remboursement de ce qu’ils appellent une « rançon » versée à la France au XIXe siècle.
En 1825, à peine sortie de sa Révolution victorieuse, la toute jeune République d’Haïti fut contrainte par la France à verser 150 millions de francs or – une somme astronomique à l’époque – pour « indemniser » les anciens colons français, ex-propriétaires d’esclaves. Ce chantage inouï, conditionné à la reconnaissance de l’indépendance haïtienne, a lourdement hypothéqué l’avenir du pays. Réduite par la suite à 90 millions, cette dette a pourtant continué d’étrangler l’économie haïtienne pendant plus d’un siècle.
Fritz Deshommes, président du Comité national haïtien pour la restitution et les réparations (HNCRR), estime aujourd’hui que le coût réel de cette « rançon de l’indépendance » pourrait osciller entre 38 et 135 milliards d’euros, selon les méthodes de calcul et les effets indirects pris en compte — perte de recettes douanières, stagnation économique, etc.
“Cette décision a mis un prix sur la liberté d’une nation,” a reconnu Emmanuel Macron dans un discours empreint de gravité. “Elle a exposé Haïti à la force injuste de l’Histoire.” Le chef de l’État a promis que la nouvelle commission mènerait un travail “nécessaire et indispensable” pour scruter cette histoire douloureuse et formuler des recommandations aux deux gouvernements, en vue de “tirer des leçons et construire un avenir plus pacifique.”
Mais côté haïtien, on garde un regard critique. Pour Deshommes, cette commission n’est qu’“un très petit pas” dans la bonne direction — une manœuvre dilatoire, selon lui, qui permet à la France de temporiser, sans prendre d’engagement concret sur des réparations.
“En ce bicentenaire, nous devons regarder l’Histoire en face,” a conclu Macron. “Pour la France, cela signifie assumer sa part de vérité dans une mémoire aussi douloureuse que nécessaire.”

