Journée cruciale, ce mercredi, devant la cour d’assises du Morbihan. Quatre femmes sont venues déposées à la barre. Quatre femmes qui accusent Florian Gragnic de les avoir violées entre 2016 et 2017 à Lorient et ses alentours. Lui, conteste trois de ces agressions. Il l’a encore répété à l’audience. « Je ne veux pas assumer ce que je n’ai pas fait », s’est-il défendu. Un accusé ébranlé par la succession de témoignages, des récits poignants, édifiants aussi. Première à s’exprimer, Nathalie (*). Elle s’est replongée dans de douloureux souvenirs et veut aujourd’hui « dire sa vérité ». Elle croise la route de Florian Gragnic en juin 2016. Ils ne se connaissent que par amis interposés. Ils se rencontrent dans une discothèque à Quéven. En sortant de la boîte de nuit, un after est organisé chez l’un des fêtards à Guidel. Le petit groupe alcoolisé décide de prolonger la nuit. « Au cours de la soirée, il se rapprochait de plus en plus de moi. Il m’a conduit dans le jardin pour fumer une cigarette. Je voulais retourner dans la maison mais il faisait obstruction. À l’écart, dans une petite allée, il m’a baissé le pantalon, m’a penchée, puis m’a pénétrée. J’avais perdu le contrôle de mon corps comme si j’étais une poupée. Je me suis effondrée sur mes jambes ». En sanglots, elle poursuit courageusement son récit : « Je l’ai repoussé plusieurs fois mais il semblait ne pas m’écouter. Il ne m’attirait pas ». « A-t-il pu penser un instant que vous étiez consentante ? », a demandé la présidente Aude Buresi. « Impossible », a répondu tout de go Nathalie, 26 ans au moment des faits.
Les avocates des parties civiles, de gauche à droite : Mes Louise Aubret-Lebas, Élodie Grelot, Gaëlle Heux-Tammen. (Le Télégramme/Steven Lecornu)
« J’étais en état de sidération comme un pantin »
Fin octobre 2016, Sabine (*) passe la soirée en discothèque avec une amie et Florian Gragnic. À la fermeture, ils sont alcoolisés, Sabine, lui propose de l’héberger. Son invité investit le canapé, elle se couche dans son lit. Elle explique qu’il n’y avait aucune ambiguïté. Elle se réveille à 10 h, c’est le choc. « Il était sur moi, il me pénétrait, je l’ai repoussé mais il m’a dit : on continue », relate-t-elle, en pleurs. En février 2017, Maud (*) rentre de boîte de nuit et regagne seule un appartement situé au centre-ville de Lorient. Exténuée, elle s’effondre sur un canapé. Elle est rapidement happée par le sommeil. Elle se réveille en pleine nuit. Florian Gragnic est à ses côtés. « J’ai senti une main sur mon sexe, j’ai tenté de la retirer à plusieurs reprises mais il avait de la force dans ses gestes », explique-t-elle. La suite ? « Il me baisse mon pantalon et me pénètre, j’étais bloquée, comme étouffée. J’ai arrêté de lutter, j’étais en état de sidération comme un pantin », raconte-t-elle, encore bouleversée. « J’étais honteuse, j’ai quitté la région pour tout oublier. »
« Le consentement, il se joue avant l’acte, pas pendant »
Interrogé, ce mercredi, sur ces faits, Florian Gragnic a maintenu sa version avec un certain aplomb. « Nous n’avons pas la même interprétation ». Selon lui, le désir était partagé. « Quels signes, quels gestes vous ont permis de penser cela ? », a interrogé Aude Buresi, évoquant le cas de Nathalie. « Son regard, sa respiration… J’étais davantage à l’initiative mais cela s’est fait naturellement », indique Florian Gragnic. « Elle ne m’a pas repoussé quand je l’ai embrassé. Elle n’a pas dit non », avance-t-il. « Mais à quel moment a-t-elle dit oui ? », rétorque fermement la présidente, « Le consentement, il se joue avant l’acte, pas pendant ». L’accusé concède : « J’aurais peut-être dû lui demander si je pouvais aller plus loin ».
Requalification des faits en « viol en concours » ?
En fin de journée, une dernière partie civile, la quatrième, est venue à la barre témoigner. C’est elle qui avait déposé plainte la première. C’est la seule que Florian Granic reconnaît avoir violée. Un viol, commis en deux temps, en avril 2017 à l’entrée du pont des Indes entre Lorient et Lanester. Toujours marquée, devant la cour, elle a revécu cette scène ou plutôt cet « enfer ». « J’ai cru que j’allais mourir », a-t-elle lâché. Son souhait aujourd’hui ? « Que l’accusé reconnaisse aussi les faits pour les autres parties civiles. »
Ce jeudi, le caractère sériel des viols sera mis au débat. La présidente souhaite en effet poser la question de la requalification des faits en « viol en concours », chose rare. La peine encourue ne sera alors plus 15 ans mais 20 ans de réclusion criminelle. Verdict vendredi.