La très décriée réforme des retraites sera au cœur de la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu mardi. Quelle forme pourrait prendre une éventuelle suspension réclamée par la gauche ? Ce que l’on sait de ce sujet politiquement inflammable.
Qui propose quoi ?
Quelques personnalités du camp présidentiel ont pris position pour suspendre la réforme des retraites de 2023, y compris Élisabeth Borne, qui l’avait portée comme Première ministre.
Le PS réclame une « suspension immédiate et complète ». Ce qui signifie, pour son premier secrétaire Olivier Faure, un « gel » du décalage de l’âge légal (qui glisse progressivement vers 64 ans) et un gel de « l’accélération sur la durée de cotisation ». De son côté, la CFDT demande le gel de l’âge légal, mais n’exige pas de modifier la réforme Borne sur la durée de cotisation.
LR, Horizons, comme le Medef, restent opposés à une suspension. Cela pèserait « sur la croissance, donc sur l’emploi, donc sur le pouvoir d’achat », a affirmé au Journal du dimanche Patrick Martin, le président du Medef.
– Que pourrait signifier un gel de l’âge légal ?
Face aux chefs de partis vendredi, Emmanuel Macron a évoqué pour la première fois un décalage dans le temps de « la mesure d’âge ».
La réforme décale progressivement l’âge légal de départ de 62 à 64 ans à raison d’un trimestre chaque année, l’âge légal atteignant 64 ans pour les personnes nées en 1968, qui partiront à partir de 2032. Suspendre la réforme signifie geler l’âge légal à son niveau actuel de 62 ans et 9 mois – le seuil valable pour la génération née en 1963, qui commence actuellement à partir en retraite. Selon la CFDT, à partir de chiffrages des services de l’État, environ 600.000 personnes bénéficieraient d’une telle suspension en 2026 et 2027.
– Partir avec combien de trimestres ?
La réforme de 2023 accélérait aussi l’application de la réforme Touraine de 2014, qui a prévu de passer de 42 à 43 années de cotisations nécessaires pour partir à taux plein. Aujourd’hui, la génération 1963 doit avoir cotisé 170 trimestres (42,5 ans). La génération 1964 devra cotiser 171 trimestres, et la génération 1965, 172 trimestres (43 ans).
Si cette partie de la réforme est aussi suspendue, le calendrier de la réforme Touraine reprendrait alors, avec une durée de cotisation passant à 171 trimestres pour la génération 1970, et 172 trimestres pour la génération 1973.
– Combien ça coûte ?
Selon plusieurs sources, les services de l’État ont chiffré à 500 millions d’euros en 2026 le gel de la mesure d’âge à 62 ans et 9 mois. En 2027, ce gel « coûterait pas moins de 3 milliards d’euros », selon Sébastien Lecornu.
Notre dossier sur la réforme des retraites
Au printemps, la Cour des comptes avait estimé que s’arrêter à un âge légal de 63 ans « aurait un coût complet de 13 milliards d’euros sur les finances publiques pour l’exercice 2035 », dont 5,8 milliards d’euros de dégradation du solde des retraites, et 7,2 milliards de pertes de recettes publiques.